Interview LQJ

Le Gouvernement ne peut plus être dupe, cela commence à faire beaucoup, beaucoup trop !

Début janvier 2019, Geo-Energie Suisse a remis son rapport au Gouvernement jurassien suite aux évènements survenus en Corée du Sud le 15 novembre 2017. Il confirme, tout comme 3 autres rapports internationaux, dont celui commandé par le Gouvernement coréen, que le séisme de 5,4 et ses répliques sont bien dus à la centrale expérimentale de géothermie profonde pétrothermale.
Le Parlement jurassien, quant à lui, a accepté une motion demandant l’arrêt immédiat et définitif du projet expérimental de Haute-Sorne dans sa séance du 19 décembre 2018.

À l’heure où la population jurassienne s’interroge toujours davantage sur les conséquences potentielles liées à cette expérimentation, le temps est venu de donner la parole aux opposants par M. Jack Aubry, président de CRJ Citoyens Responsables Jura, association qui se bat depuis plusieurs années contre l’implantation de la géothermie profonde pétrothermale dans le Jura.

Pensez-vous que les promoteurs, Géo Energie Suisse SA (GES) ne sont pas honnêtes quand ils expliquent que dans le Jura on ne risque rien ?
Ils ne sont jamais à court d’idées pour tenter de berner tant nos autorités que la population jurassienne. Ils font feu de tout bois sur leur site Internet et dans leur communication. Ils comparent l’incomparable, donnent des exemples qui n’en sont pas, nient l’évidence des échecs désastreux de Bâle et de Pohang en Corée du Sud, deux projets pilotes dans lesquels, quoiqu’ils en disent, de nombreux membres de GES étaient partenaires !
Le comble de l’histoire, c’est lorsque le chef de projet Olivier Zingg explique aujourd’hui, qu’ils ne veulent pas passer leur projet en force, on s’en étouffe presque, tellement c’est grotesque !

Pensez-vous que les promoteurs, Géo Energie Suisse SA (GES) ne sont pas honnêtes quand ils expliquent que dans le Jura on ne risque rien ?

Ils ne sont jamais à court d’idées pour tenter de berner tant nos autorités que la population jurassienne. Ils font feu de tout bois sur leur site Internet et dans leur communication. Ils comparent l’incomparable, donnent des exemples qui n’en sont pas, nient l’évidence des échecs désastreux de Bâle et de Pohang en Corée du Sud, deux projets pilotes dans lesquels, quoiqu’ils en disent, de nombreux membres de GES étaient partenaires !
Le comble de l’histoire, c’est lorsque le chef de projet Olivier Zingg explique aujourd’hui, qu’ils ne veulent pas passer leur projet en force, on s’en étouffe presque, tellement c’est grotesque !

Pourtant ils parlent d’une communication transparente avec la population jurassienne ?

Une communication si transparente … et calculée, que personne n’a rien vu venir dans la population et les Autorités jurassiennes. Avec la complicité de certains élus, un moratoire de plus de 1600 signatures a été jeté à la poubelle en 2014 et une trentaine d’oppositions contre le plan spécial balayées d’un revers de main.

Les promoteurs veulent-ils imposer à tout prix leur expérimentation dans le Jura ?

Ailleurs, plus personne n’en veut, c’est un fait ! Quand, en 2016, l’association Citoyens Responsables Jura est créée, GES tente par tous les moyens de faire passer ces culs-terreux (terme employé par l’association Géothermie Jura pour désigner les opposants au projet) pour des menteurs, des « non-spécialistes » qui n’y connaissent rien ! Lorsque ces mêmes citoyens inquiets décident de lancer une initiative pour donner démocratiquement la parole au peuple et, surtout, les informer de ce qui va se passer sous leurs pieds durant des décennies, les promoteurs par avocats et docteur en droit interposés, font tout pour empêcher cette initiative d’aboutir (munie de plus de 4200 signatures).
Les Jurassiens ne doivent pas savoir, ils ne doivent pas pouvoir s’exprimer !!! Les promoteurs vont même jusqu’à renier de nombreux éléments du plan spécial, pourtant élaborés par eux-mêmes ! Tout est dit clairement sur leur manière d’agir !

En décembre 2018, le Parlement a accepté une motion demandant l’arrêt définitif et immédiat du projet Haute-Sorne, est-ce un bon signe ?

Oui évidemment, mais l’attitude des promoteurs est exécrable encore une fois, ils brandissent déjà fermement la menace de plusieurs millions de francs de dédommagements si nos élus appliquent démocratiquement l’abolition de cette hérésie. GES fait donc fi de l’avis de la majorité de la population, des entreprises régionales et désormais du Parlement jurassien et persiste, malgré tout, à déclarer ne pas vouloir faire passer son projet en force !

Avez-vous l’impression que les promoteurs sont toujours en pleine confiance quant à la réalisation de leur expérimentation ?

Ils sont prêts à tout pour forcer le passage, espérons que le Gouvernement ne sera pas dupe !…Il ne peut plus l’être, cela commence à faire beaucoup, beaucoup trop !

La réouverture du forage de Bâle il y a peu, vous a-t- elle donné un peu plus de crédibilité ?

À Bâle, 11 ans après l’arrêt du projet, il a fallu rouvrir le trou parce qu’une grande partie des 12’000m3 d’eau injectés est restée en profondeur et continue de travailler seule. Le réservoir créé artificiellement a ainsi doublé de surface ce qui a eu pour effet de provoquer une forte pression dans le sol et donc de générer des microséismes intenses qui pourraient à l’avenir, s’ils se répètent, finir en séisme majeur dans les prochaines décennies selon plusieurs spécialistes. Ceci a donc nécessité la mise en place d’une surveillance « rapprochée » aux frais des Bâlois, qui ne se doutent bien évidemment de rien. Le compteur des frais continue de tourner et l’épée de Damoclès reste omniprésente sur la tête des Bâlois !

Pour vous, les problèmes survenus à Bâle et à Pohang sont-ils terminés ?

Qu’en sera-t-il dans 11 ans à Pohang ? Qu’en sera-t-il à Bâle dans une décennie ou dans 20 ou 30 ans ? Nul ne le sait, nul ne peut le prédire, pas même les experts « autoproclamés »! Et dans le Jura, devrons-nous vivre continuellement dans l’angoisse d’un séisme conséquent ? Notre industrie y résistera-t-elle ? Pas certain ! Et dans plusieurs années, en cas de grosse catastrophe, qui payera la note, quand les promoteurs, tout comme à Bâle, auront disparu de la circulation ? Il est important en outre de préciser qu’à Pohang, en Corée du Sud, les dégâts se sont produits 2 ans après les premières injections.

Mais GES explique pourtant que ce sera différent ici ?

Quoiqu’en disent les promoteurs, les projets de Bâle et surtout Pohang (Destress) sont ceux qui ressemblent le plus à celui prévu dans le Jura. Le projet jurassien est différent sur un seul point, mais de taille comparativement aux deux exemples précités, il est 30 fois plus gros !
Les promoteurs ont prévu, selon le plan spécial, d’injecter environ 400’000 m3 d’eau dans le Jura contre environ 12’000 m3 à Bâle et en Corée du Sud. Précisons que la Ville de Pohang est d’une superficie de 1200 km2 comparativement à seulement 800 km2 pour le Canton du Jura ! Selon certains médias, en ce qui concerne Pohang, on parle de plus d’une centaine de blessés, plus de 1500 sans abris, de 57’000 bâtiments endommagés et, au bas mot, de 260 millions d’euros de dommages matériels ! Il faut savoir que les habitants de Pohang ont intenté une action en justice contre le Gouvernement coréen. Ils estiment aussi que la facture provisoire des dégâts va être très largement dépassée !

GES explique que les Coréens ont mis trop de pression lors des injections (jusqu’à 900 bars). Cela vous paraît-il plausible

Il faut savoir que plus le volume de roche affecté par des modifications de tension est important, plus un événement est susceptible de se produire.
Ici, le réservoir créé artificiellement prévu, selon le plan spécial, est environ de 4km2, il sera composé de 30 éllipses de 600m de diamètre chacune. Nous sommes en plein dans « le tir » !
L’opinion générale suppose que les systèmes plus profonds sont plus susceptibles d’entraîner des séismes induits en raison de la résistance de la croûte terrestre. Dans le Jura le projet prévu est à minimum 4-5 km de profondeur. Les roches du soubassement cristallin sont également perçues comme des roches à plus forte sismicité que les roches sédimentaires. Donc ici tout est réuni pour avoir de gros problèmes. Concernant la pression, il faut savoir que la pression naturelle en profondeur est de 1 bar tous les 10 mètres. Donc à 5 km, nous serons déjà à 500 bars de pression naturelle, à cela il faut ajouter, selon le plan spécial, qu’ils ont droit à plus de 300 bars d’injection en tête de puits, sans limite indiquée ! Nous serons probablement dans le cas de figure de Pohang. Vouloir faire croire que l’on veut fractu­rer de la roche granitique à ces profondeurs avec la pression d’un karcher fait sourire et est malhonnête. D’autant plus que tout est indiqué dans le plan spécial, mais il faut le lire !

Les promoteurs affirment que les contextes tectoniques diffèrent entre les deux projet, votre avis ?

Oui effectivement, ils diffèrent. Selon plusieurs études et documents, la Corée du Sud est une région normalement stable sur le plan sismique. Par contre, dans le Jura, comme l’expliquait P. Bossart (Directeur du laboratoire de Mont-Terri) dans une interview de 2016, le fossé rhénan, au nord, pousse vers le sud et il y a en moyenne un tremblement de terre par semaine, imperceptible certes, mais chaque décennie, l’intensité atteint 3 degrés sur l’échelle de Richter. Il expliquait également lors d’une interview sur une tv régionale, que la situation tectonique ici n’est pas bonne. Meilleure à Zürich, par exemple. Tout est dit. De plus si on observe les cartes historiques du service sismologique suisse, proportionnellement, le Jura, n’a rien à envier à Bâle au niveau sismique. Donc non, le projet jurassien ne présente pas moins de risques que le coréen. Le sous-sol jurassien n’est pas plus adapté !

Le Gouvernement souhaite engager des experts neutres, cela ne vous rassure pas ?

Ils coûteront une fortune aux contribuables jurassiens. Pour dire quoi ? Toute la complaisance qu’ils ont envers les promoteurs ? Nier l’évidence en regard de faits établis ? Il n’y a pas « d’experts neutres » ici. Ils sont tous intéressés. Des experts de l’inconnu ? Cessons la plaisanterie une fois pour toute !
William Ellsworth, de l’Université de Stanford, qui était membre de la Commission Pohang, explique dans un article qu’il est impossible d’éviter ce genre de séisme sévère:
« Même avec les meilleures technologies d’exploration, il est extrêmement difficile de trouver des perturbations qui ne sont pas observables à la surface. » Tout est dit !

Lors d’une question au Parlement de février dernier, le Ministre de l’Environnement a déjà évoqué le nom de l’un des experts, le Pr.Wiemer, directeur du Service sismologique suisse, qu’en pensez-vous ?

Le Pr. Wiemer n’est pas neutre dans cette affaire, au contraire, puisqu’il fait partie, avec d’autres membres de l’ETH Zürich et GES, du programme Destress (www.destress-h2020.eu) lequel est impliqué dans le désastre de Pohang en Corée du Sud. De plus, Monsieur Wiemer expliquait dans son éditorial du rapport SCCER-SOE de 2018 qu’ils en sont au point zéro au niveau de la compréhension de la sismicité induite avec la géothermie profonde pétrothermale. Faut-il ajouter encore quelque chose ? Dans une expérimentation comme celle-ci, il n’y a ni spécialistes, ni experts, ce ne sont que des théories et des spéculations. L’inconnue la plus totale ! Les résultats de Bâle, St-Gall et dernièrement Pohang sont là pour en témoigner ! Et pourtant… « les spécialistes » affirmaient aussi que tout était sous contrôle, qu’il n’y avait aucun risque, à quelques mots près, le même discours qu’ici !

Votre conclusion ?

A l’évidence les projets jurassiens (Haute-Sorne, Porrentruy et Delémont) n’amèneront absolument rien au niveau économique pour notre canton. Faut-il en déduire dès lors qu’il y a des intérêts personnels en jeu ? Il est temps désormais que le Gouvernement cesse une fois pour toute de soutenir ce dangereux projet et lui mette un terme rapidement, comme la population souveraine et le Parlement le réclament. Il en va de la crédibilité de nos ministres et, en cas de catastrophe, ils devront répondre individuellement de la mise en danger d’autrui. Ici nous ne sommes pas à Bâle, ni à Pohang et les responsables sont déjà tous connus. Ils ne pourront pas se réfugier derrière un « on ne savait pas » ou un « si on avait su » !